La Sultane 67 | Page 10

Développement Personnel

Ce qu ’ il faut savoir pour apprendre à

Gérer

Ses Émotions

La vie est une école différente des universités que nous fréquentons . Ses leçons sont marquantes et ses épreuves parfois définitives . Nous apprenons qu ’ il faudrait agir au quotidien tel que le monde est et non tel que nous aimerions qu ’ il soit .

Dans la vie , nous sommes en quelques sorte les stars de notre propre film . Le monde qui nous entoure sert uniquement de décor à notre intrigue . Toutes nos expériences sont vues et comprises à travers notre propre prisme . La manière avec laquelle nous voyons les choses détermine leur importance et comment nous comprenons les expériences de la vie . Il s ’ agit d ’ une interprétation des faits . Une sorte de piège psychologique qui peut affecter même les personnes les plus empathiques . Dans un jargon plus scientifique , on appelle ceci : biais cognitifs ( et il en existe plusieurs ). On y a recours inconsciemment dans le but de préserver une cohérence entre ses valeurs internes et les événements de la vie . Plus nous personnalisons nos expériences , plus elles deviennent marquantes et pertinentes pour nous . Les souvenirs qui en découlent

sont tout ce qui nous reste et contribuent à forger qui nous devenons . Le problème , c ’ est qu ’ il s ’ agit d ’ une illusion adaptative ; et lorsque les événements n ’ évoluent pas dans le sens que nous souhaitons , nous y voyons une atteinte à notre personne , à nos valeurs , à nos efforts et à nos croyances . Les biais cognitifs nous amènent à mal interpréter les situations ou les actions entreprises par les autres . Ils nous emprisonnent dans des schémas de réflexions erronées . Nous tombons tous , sans exception aucune , dans ce piège . Pour s ’ en libérer , il faudrait fournir un effort volontaire , afin de comprendre que nous avons tous , un point de vue qui nous est propre et qui découle de nos expériences personnelles . Notre point de vue n ’ est pour ainsi dire , ni unique , ni forcément meilleur . D ’ ailleurs , en faisant preuve d ’ honnêteté intellectuelle , nous pouvons même reconnaître objectivement la supériorité de l ’ avis d ’ une autre personne .
Houda Chouk

Être à l ’ écoute des autres , sans rechercher leur approbation

L ’ effet de projection est un biais cognitif où la personne , au centre de son propre monde , imagine être davantage remarquée par les autres . Étant le centre de son propre univers , certains croient naturellement , être celui des autres également . On surestime l ’ attention qui nous est accordée . Cet effet résulte de la tendance , innée , à amplifier notre propre importance aux yeux des autres , surtout lorsque l ’ on fait quelque chose d ’ atypique . Ainsi , dans nos interactions , nous pensons davantage à l ’ image que nous renvoyons , sans suffisamment nous soucier d ’ autrui . Une faille empathique se creuse . C ’ est pourquoi il est important de comprendre ce biais cognitif , afin de prendre suffisamment de recul et de relativiser quant à sa dimension réelle . Moins on se soucie de l ’ image que l ’ on renvoie , plus on crée des interactions authentiques grâce à ce qu ’ on appelle la réciprocité émotionnelle .

Agir impulsivement

Il y a cette notion encouragée selon laquelle il faut savoir s ’ écouter et agir en conséquence : « suivez votre instinct , votre intuition ne vous ment jamais . » C ’ est tout à fait valable pour les maîtres zen , mais pas vraiment pour nous autres simples mortels . Et ce , pour une raison très simple : nos perceptions nous trompent . À moins que l ’ on soit en mesure de prendre suffisamment de recul par rapport à chaque idée qui émane de notre cerveau , il vaut mieux les passer au crible avant de réagir . Parfois , certains résultats comptent tellement pour nous , que nous les attendons avec une impatience anxieuse . On est fébrile , irritable et nerveux . Il s ’ agit bien entendu d ’ un état où il ne faudrait absolument pas écouter ce qu ’ on commence à nommer même en français « l ’ instinct viscéral » ( gut feeling ), pour donner certaines lettres de noblesses , à de l ’ impulsion toute simple . Donc , non , n ’ écoutez pas votre instinct viscéral et ne suivez pas votre impulsion ( à ne pas confondre avec l ’ intuition ). Par ailleurs , il est également important d ’ apprendre à se distancer de ses propres réflexions . Suite à une situation de stress extrême par exemple , nos émotions se dérèglent , nos pensées tourbillonnent et une détresse réelle peut être vécue . Ces dernières années , la technique psychologique de l ’ auto-distanciation prend de l ’ ampleur en tant que moyen efficace d ’ autorégulation . D ’ après Ethan Kross , cette démarche 1 permet d ’ aborder ses sentiments d ’ un point de vue extérieur . On devient son propre observateur et son propre modérateur . Sans s ’ apitoyer sur soi , on se parle honnêtement comme on le ferait avec une amie . Avec bienveillance et sans concession .

Remettre les épreuves dans leur contexte

Les échecs appartiennent aux expériences humaines . Il faut les vivres pour ce qu ’ ils sont : des déceptions douloureuses et non des fatalités définitives qui scellent notre sort . Se faire recaler lors d ’ un entretien d ’ embauche est certes désagréable . Cela ne veut pas dire que l ’ on ne vaut rien , mais que l ’ on n ’ a pas le profil recherché . Avoir un profil différent n ’ est pas un problème en soi . S ’ il existe des faiblesses dans son dossier de candidature , il faudrait se servir de cet entretien d ’ embauche pour essayer de combler ses lacunes . Organiser une soirée qui tourne au désastre est certes embarrassant , mais cela ne devrait pas servir de prétexte pour vous couper du monde . Se faire réprimander pour un retard au travail n ’ est pas un motif suffisant d ’ abandon . Les personnes les plus résilientes prennent du recul par rapport à leurs expériences et voient dans leurs échecs des occasions d ’ apprendre et de progresser . Et si nos aptitudes innées à tolérer le stress varient d ’ une personne à une autre , la force mentale peut et doit être cultivée . Les exercices de pleine conscience ( par la méditation par exemple ), les exercices sportifs ( notamment ceux de l ’ endurance ) permettent de se développer . Les personnes résilientes ne se définissent pas par leur adversité qu ’ ils savent temporaires . « Tout finit par passer ». Les outils d ’ auto-distanciation évoqués plus haut permettent également de renforcer sa résilience : « Qu ’ aurais-je pu faire autrement ? que dirais-tu à ton ami qui connaîtrait la même expérience ? quel sera l ’ effet de cet incident dans un mois ? Quelle leçon veux-tu retenir ? » Avec ces questions , vous dédramatisez et faites un recadrage cognitif . Vous désamorcez la bombe émotionnelle : catastrophisme , dégénérescence excessive , victimisation , dichotomie de la pensée … En appliquant cette méthode , le cortex pré-frontal médial de raisonnement s ’ active tandis que l ’ amygdale ( hyperactive et émotionnelle ) se calme . C ’ est la force mentale en action .

Développer un feed-back honnête

Il existe deux catégories de personnes dans le monde : celles qui pensent avoir conscience de soi et celles ( plus rares ) qui ont vraiment conscience de soi . Le problème , c ’ est que nous vivons tous avec deux types de conscience de soi , simultanément : la conscience interne ( la manière avec laquelle nous nous percevons et nous nous comprenons ) et la conscience externe ( comment les autres nous voient ). Cette dernière nous permet d ’ être en phase avec les autres . Paradoxalement , un sens aigu de l ’ introspection ne nous permet pas de bien nous connaître et c ’ est même l ’ inverse qui se produit fréquemment : lorsque nous essayons de nous comprendre et de répondre à la question « pourquoi ?» il n ’ est pas rare que nous inventions des réponses . Si l ’ on veut vraiment évoluer , il faut avoir l ’ humilité de se remettre question en demandant aux autres de nous dire ce qu ’ ils pensent vraiment de nous . Les critiques qui nous sont adressées ne remettent pas en cause notre valeur intrinsèque , mais des comportements qui pourraient changer . Prenez cinq critiques bienveillantes qui vous sont adressées par des personnes qui vous aiment vraiment . Elles peuvent vous choquer . Prenez alors une pause , le temps d ’ accepter l ’ information qui vous est fournie .

Rester fidèle à ses valeurs

Vos besoins et vos valeurs comptent . Ils vous permettent de donner du sens à votre vie . Ils vous permettent de réfléchir à vos passions et à vos compétences . Connaître ce que les autres pensent de vous ou ce qu ’ ils attendent de vous , ne signifie pas que vous deviez changer qui vous êtes . Toute la difficulté de cette étape consiste à concilier sa conscience de soi interne et sa conscience de soi externe : ce que l ’ on attend de soi et pour soi Vs ce que les autres attendent de nous et pour nous . C ’ est un équilibre entre son individualité et sa place au sein de la société . Plus nous avons une faible conscience de soi interne , plus nous aurons tendance à focaliser sur la conscience de soi externe , autrement dit , les attentes que les autres ont de nous . Nous ne discernons plus entre ce que nous voulons pour nous-mêmes et ce que les autres veulent pour nous .

Être ouvert au changement

Le monde n ’ est pas immuable , les situations évoluent et les informations dont nous disposons changent . C ’ est pourquoi il faut avoir suffisamment de souplesse pour s ’ adapter aux transformations . Or plus nous prenons de l ’ âge et accumulons des connaissances , plus la flexibilité neuronale cède la place à un soucis d ’ efficacité . Toutefois la flexibilité cognitive peut être développée . Ainsi la plasticité synaptique pourrait être améliorée par les exercices physiques qui favorisent l ’ augmentation du niveau d ’ oxygène dans le sang .
S ’ entraîner à faire des choses dont on n ’ a pas l ’ habitude et que l ’ on n ’ aime pas forcément à priori permet également d ’ améliorer sa flexibilité cognitive . Et pour le coup , l ’ intérêt de la démarche à suivre doit l ’ emporter sur le résultat à obtenir . D ’ ailleurs , il n ’ est pas rare que celui-ci dépasse les attentes en n ’ étant pas soumis à la moindre pression . Par ailleurs , plus la personne est à l ’ aise , plus elle fera preuve de flexibilité cognitive . Inversement , lorsqu ’ une personne se sent menacée ou vulnérable , elle s ’ accrochera à ses croyances .

Apprendre à se motiver

Il faut parvenir à trouver un facteur de motivation intrinsèque : celui qui nous fait faire les choses pour le simple intérêt de les faire , sans que cela soit un facteur extérieur . C ’ est la raison pour laquelle l ’ argent , par exemple , n ’ est pas un facteur de motivation universel . La finalisation des tâches , les travaux conclus avec succès activent les zones du cerveau liés à la récompense . Se lancer des défis permet également d ’ améliorer sa motivation , se fixer un objectif et s ’ encourager pour avancer un pas à la fois jusqu ’ à atteindre son but . Chaque étape peut être célébrée et le résultat final peut pratiquement se transformer en victoire . Pour de nombreuses personnes , cela commence avec de la visualisation : une projection positive qui permet d ’ anticiper la conclusion . Le processus de transformation est , pour de nombreux individus , plus important que le résultat en soi . Trouvez ce qui fonctionne le mieux pour vous et allez-y , donnez-vous à fond !

Éviter les stimuli virtuels

Nous vivons une époque ultra-connectée . Notre attention est constamment sollicitée par les notifications sur les réseaux sociaux , les alertes des informations . Nous ne prenons plus le temps d ’ absorber les choses , de les assimiler ou de les digérer . Notre cerveau ne parvient plus à réorganiser le flux de données auxquelles il est exposé . Le temps manque au traitement des informations . La force créative et l ’ imagination sont , pour ainsi dire , mises en veille . De nombreuses études alarmantes montrent combien il est difficile ( pour na pas dire impossible ) de se concentrer sur une tâche au-delà de 4 minutes , sans consulter son téléphone , son mail , sa messagerie et ses réseaux sociaux entre-temps . Et nous mettons environs 20 minutes à reprendre notre activité ( pour 4 autres minutes , dans le meilleur des cas ). C ’ est pourquoi il est absolument nécessaire de développer une plus grande discipline de soi et de se détourner du petit écran , si l ’ on veut retrouver sa pleine capacité à opérer efficacement . Il serait judicieux de prévoir des pauses technologiques d ’ au moins 30 minutes , pour ne pas dire une désintoxication totale .
1 Directeur du laboratoire Emotion & Self Control de l ’ Université de Michigan
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NUMÉRO # 67