La Sultane #64 | Page 27

Véritable microcosme de la société tunisienne Le nom du café lui-même sonne comme une revanche : Taht essour , sous les remparts , cette forte muraille qui forme l ’ enceinte d ’ une forteresse ou d ’ une ville fortifiée , en l ’ occurrence ici la Médina de Tunis . Une de ces grandes murailles dressées autrefois pour entourer et protéger une place fortifiée . Ces hommes de culture se présentent de fait comme de véritables marginaux , des laissé pour compte dont personne ne veut . Les notions de justice et d ’ injustice ne leur sont donc pas étrangères , et il n ’ est pas étonnant de voir l ’ un d ’ eux écrire quelques années plus tard ce qui deviendra notre hymne national . Un hymne qui prend littéralement aux tripes et émeut jusqu ’ aux larmes . Être mis au ban , condamné à l ’ exil même sur la terre où l ’ on est venu au monde c ’ est ce que les membres du mouvement « Taht essour » ont en commun . « Chansonniers , journalistes , libres-penseurs , anticonformistes , désargentés , pessimistes et désespérés de leur état mais qui se vengeaient de l ’ adversité par l ’ ironie et l ’ humour noir [...], rien n ’ échappait à leur regard satirique , déjouant par le rire la déchéance sociale et l ’ injustice de l ’ histoire .» écrira ainsi Tahar Bekri à leur sujet . Un mélange complètement hétérogène qui se dissout pour devenir parfaitement homogène diront certains .
Un sanctuaire et un lieu de rencontre « Taht essour » est aussi un refuge , un lieu d ’ enrichissement et d ’ échange et source d ’ inspiration à part entière . Un espace culturel qui a permis à une nouvelle forme de production littéraire d ’ éclore . Epoque oblige , cette forme d ’ écriture fortement marquée par le souffle de la révolte et l ’ engagement social avec les plus démunis , ne s ’ inscrit dans aucun genre précis et évolue entre la littérature , le journalisme et la poésie aussi bien en dialecte tunisien « fosha » qu ’ en arabe littéraire . Le ton de la dérision et de la satire devenait à cette occasion une arme de combat de l ’ état colonial , de ses symboles et des ses alliés . À ce titre , il convient de reprogrammer au plus vite l ’ exposition intitulée « Une modernité tunisienne , 1830-1930 ». Organisée en 2018 à la Cité de la Culture sous l ’ égide du ministère des affaires culturelles , cet événement qui rencontra un formidable succès avait permis aux tunisiens de découvrir ou redécouvrir avec une joie immense ces pages de l ’ histoire de leur pays . Visiteurs et visiteuses se voyaient raconter le fondement de la société moderne tunisienne , depuis l ’ édit d ’ Ahmed Bey abolissant la traite et ordonnant l ’ affranchissement des esclaves ( janvier 1846 ) au fameux mouvement Taht essour en passant par l ’ école militaire du Bardo fondée en mars 1840 ou encore des textes relatifs à la réforme de l ’ enseignement zeitounien ( 1861 ). Le mouvement « Taht essour » a été à l ’ origine d ’ un vent de révolte qui continue de souffler jusqu ’ à aujourd ’ hui .
capitale donc ) soit originaires de l ’ intérieur du pays . Parmi les habitués du café figuraient de nombreux beldia , c ’ est-à-dire des membres de la petite bourgeoisie tunisoise .

Véritable microcosme de la société tunisienne Le nom du café lui-même sonne comme une revanche : Taht essour , sous les remparts , cette forte muraille qui forme l ’ enceinte d ’ une forteresse ou d ’ une ville fortifiée , en l ’ occurrence ici la Médina de Tunis . Une de ces grandes murailles dressées autrefois pour entourer et protéger une place fortifiée . Ces hommes de culture se présentent de fait comme de véritables marginaux , des laissé pour compte dont personne ne veut . Les notions de justice et d ’ injustice ne leur sont donc pas étrangères , et il n ’ est pas étonnant de voir l ’ un d ’ eux écrire quelques années plus tard ce qui deviendra notre hymne national . Un hymne qui prend littéralement aux tripes et émeut jusqu ’ aux larmes . Être mis au ban , condamné à l ’ exil même sur la terre où l ’ on est venu au monde c ’ est ce que les membres du mouvement « Taht essour » ont en commun . « Chansonniers , journalistes , libres-penseurs , anticonformistes , désargentés , pessimistes et désespérés de leur état mais qui se vengeaient de l ’ adversité par l ’ ironie et l ’ humour noir [...], rien n ’ échappait à leur regard satirique , déjouant par le rire la déchéance sociale et l ’ injustice de l ’ histoire .» écrira ainsi Tahar Bekri à leur sujet . Un mélange complètement hétérogène qui se dissout pour devenir parfaitement homogène diront certains .

Un sanctuaire et un lieu de rencontre « Taht essour » est aussi un refuge , un lieu d ’ enrichissement et d ’ échange et source d ’ inspiration à part entière . Un espace culturel qui a permis à une nouvelle forme de production littéraire d ’ éclore . Epoque oblige , cette forme d ’ écriture fortement marquée par le souffle de la révolte et l ’ engagement social avec les plus démunis , ne s ’ inscrit dans aucun genre précis et évolue entre la littérature , le journalisme et la poésie aussi bien en dialecte tunisien « fosha » qu ’ en arabe littéraire . Le ton de la dérision et de la satire devenait à cette occasion une arme de combat de l ’ état colonial , de ses symboles et des ses alliés . À ce titre , il convient de reprogrammer au plus vite l ’ exposition intitulée « Une modernité tunisienne , 1830-1930 ». Organisée en 2018 à la Cité de la Culture sous l ’ égide du ministère des affaires culturelles , cet événement qui rencontra un formidable succès avait permis aux tunisiens de découvrir ou redécouvrir avec une joie immense ces pages de l ’ histoire de leur pays . Visiteurs et visiteuses se voyaient raconter le fondement de la société moderne tunisienne , depuis l ’ édit d ’ Ahmed Bey abolissant la traite et ordonnant l ’ affranchissement des esclaves ( janvier 1846 ) au fameux mouvement Taht essour en passant par l ’ école militaire du Bardo fondée en mars 1840 ou encore des textes relatifs à la réforme de l ’ enseignement zeitounien ( 1861 ). Le mouvement « Taht essour » a été à l ’ origine d ’ un vent de révolte qui continue de souffler jusqu ’ à aujourd ’ hui .

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NUMÉRO # 64